vendredi 18 avril 2008

Emeutes de la faim, aide du gouvernement français

Notre monde était donc dans une situation de déséquilibre constant, mais le gouffre qui l’attendait était ignoré par tous. Les hommes vivaient au jour le jour, avec peut-être l’idée magique que les choses s’arrangeraient d’elles-mêmes. Pourtant, depuis le début du nouveau millénaire, les signaux étaient en alerte : les prix des denrées alimentaires de base qui étaient restés stables pendant plus d’une trentaine d’années commençaient à repartir à la hausse. Puis, la production céréalière, après avoir atteint son plus haut niveau en 2004, enregistra une baisse de 1 % en 2005 et de 2 % en 2006. Les plus grands exportateurs de céréales voyaient pour leur part leur production diminuer de 4 % et 7 % au cours de ces mêmes années, tandis que la sécheresse Australienne devrait fortement réduire les récoltes de l’année à venir : des tendances particulièrement inquiétantes à l’échelle d’une petite planète, dont la population ne cesse de croître.

Le riz, l’or blanc

C’est ainsi que la Terre comptera neuf milliards d’individus en 2050. Parmi eux, les classes moyennes des pays à forte croissance économique voient dès aujourd’hui leurs habitudes alimentaires évoluer. « Les gens mangent plus. Si les Indiens augmentent leur ration journalière de 10 grammes de riz par personne et par jour, on arrive à 3,6 millions de tonnes supplémentaires par an. En Chine, la population mange plus de viande. Des tonnes de céréales, désormais utilisées pour nourrir le bétail, ne sont plus disponibles pour l’alimentation humaine. Résultat : la population s’est rabattue sur le riz. D’où là encore, une hausse de la consommation », explique, cité par le magazine Challenges, le directeur général du Syndicat de la rizerie française, Guy Coudert. Confrontés à une très forte demande nationale et à des conditions climatiques défavorables, quatre pays producteurs, dont le géant indien ont annoncé, il y a quelques semaines, la fin de leurs exportations. Aussi, ce riz, qui pourrait devenir si rare et qui est depuis toujours si fortement demandé puisqu’il représente l’aliment de base de 60 % de la population mondiale a vu son prix flamber. Alors qu’il y à peine quelques mois, un sac de 50 kilos de riz valait sur le marché de Khlong Toei, le plus grand bidonville de Bangkok, 16 euros, son prix est aujourd’hui de 60 euros. En Afrique, des progressions similaires sont observées : une augmentation de 42 % a été calculée en Mauritanie, de 45 % au Sénégal ou encore de 50 % en Côte d’Ivoire.

Autosuffisance, une utopie

Dans les pays les plus fortement touchés (37 sont menacés d’une crise alimentaire selon la FAO), où se sont multipliées ces dernières semaines les « émeutes de la faim » et les manifestations devant les marchés, l’alimentation représente 75 % des dépenses, contre 10 à 20 % dans les pays riches. Aujourd’hui, les populations les plus pauvres ne peuvent plus acquérir ni riz, ni céréales dont les prix ont progressé de 37 % en 2007, tandis que des perspectives plus sombres encore sont prévues en 2008. Ces pays et notamment les états africains, contraints d’importer la plus grande partie de leurs vivres, ne trouvent aucun salut dans leurs propres agricultures. Un expert de la FAO remarque à cet égard combien ces régions ont également été « victimes de leurs propres gouvernements qui n’ont pas dédié (ou pas pu) une part de leur budget à la paysannerie ». Cette situation a été dénoncée cette semaine dans le quotidien le Monde, par le Président de la République, Jacques Chirac : « L’autosuffisance alimentaire est le premier des défis à relever pour les pays en développement ».

Soigner la malnutrition de toute urgence

Face à cette situation qui s’explique également par la mobilisation des terres pour le développement des biocarburants ou encore par la spéculation, Médecins sans frontières observe que la crise couvait depuis plusieurs années. Elle rappelle ainsi qu’en « 2005 des manifestations du même type avaient eu lieu » au Niger. Ces révoltes de ceux qui ont faim avaient conduit MSF à dénoncer « l’inadéquation du système d’aide : les populations du sud du pays n’avaient plus les moyens d’acheter de la nourriture, mais les organismes d’aide refusaient d’en distribuer gratuitement pour ne pas « déstabiliser le marché » ! ». L’organisation qui s’est battue pour pouvoir obtenir ces distributions gratuites met également en évidence les manquements des politiques internationales de lutte contre la malnutrition. MSF souligne en effet que face à une crise telle que celle qui commence aujourd’hui, ce sont les enfants malnutris qui sont les plus vulnérables et qui doivent recevoir le plus d’attention. « Les dernières recommandations des Nations unies (…) sont très axées sur la prévention, et très peu sur le curatif. Alors que nous disposons aujourd’hui de moyens efficaces pour améliorer la nutrition des jeunes enfants et éviter ainsi les décès » remarque l’association qui plaide depuis plusieurs années pour une distribution aux enfants vulnérables de pâtes nutritives. A travers son message, l’association révèle que face à l’ampleur de la crise, il ne convient pas seulement de s’interroger sur les raisons de la situation, ou de prendre des mesures économiques d’urgence, mais aussi d’agir pour sauver et soigner les populations.

Aujourd’hui, la France a annoncé qu’elle allait doubler le montant des fonds qu’elle consacre chaque année à l’aide alimentaire.

Aucun commentaire: