dimanche 22 juin 2008

Traité de Lisbonne : le non des irlandais

NOUVELOBS.COM 22.06.2008 11:05

Le président français a reproché au commissaire européen à l'Agriculture, Peter Mandelson, d'avoir favorisé le "non" irlandais au traité européen. "Mes épaules sont suffisamment larges et mon cuir suffisamment épais pour supporter cela", réplique l'intéressé.

Nicolas Sarkozy (Reuters)

Nicolas Sarkozy (Reuters)

Nicolas Sarkozy a sévèrement tancé, dans la nuit du vendredi 20 au samedi 21 juin, le commissaire européen au Commerce Peter Mandelson, qu'il a accusé d'avoir joué un rôle dans le "non" irlandais au traité européen de Lisbonne.
Le président français reproche depuis longtemps au négociateur européen de faire trop de concessions pour parvenir à un accord sur le volet agricole du cycle de Doha.
Lors d'une conférence de presse improvisée dans la nuit de jeudi à vendredi au sommet européen de Bruxelles, il l'a accusé d'avoir inutilement inquiété les agriculteurs irlandais.

"M. Mandelson, par exemple"

A la question de savoir si le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, pouvait être accusé d'avoir favorisé le "non" irlandais, qui plonge l'UE dans la crise, Nicolas Sarkozy a demandé d'aller voir, plutôt, du côté de Peter Mandelson.
"Le débat irlandais a porté sur l'avortement, l'euthanasie, sur un commissaire européen ou pas, sur la fiscalité, sur l'OMC, sur l'agriculture, je ne peux pas ramener ça à M. Barroso. A un autre, mieux, M. Mandelson, par exemple", a-t-il déclaré.
Quelque 10.000 agriculteurs irlandais ont manifesté à Dublin en avril contre le projet défendu par Mandelson de faire baisser les droits de douane sur les importations de boeuf, de produits laitiers et autres produits agricoles dans le cadre de l'OMC.
Les lobbies agricoles irlandais ont finalement renoncé à défendre le "non" au traité de Lisbonne après avoir reçu l'assurance de leur gouvernement qu'il refuserait tout accord à l'OMC qui serait contraire à leurs intérêts.
Le traité a finalement été rejeté le 12 juin par 53,4% des voix.
Peter Mandelson a répliqué à cette attaque frontale avec un flegme tout britannique lors d'une interview à la radio.
"Il faut noter que le président Sarkozy a été invité à pointer du doigt le président de la Commission et qu'il a, avec tact et diplomatie, choisi de me pointer du doigt à sa place", a-t-il dit. "Mes épaules sont suffisamment larges et mon cuir suffisamment épais pour supporter cela."
Barroso a volé au secours de son commissaire.

"Un super boulot"


"Je crois que Peter Mandelson fait un super boulot en notre nom à tous", a-t-il déclaré en soulignant que le Conseil européen de Bruxelles avait "à l'unanimité" soutenu la conclusion d'un accord à l'OMC. "Le travail d'un commissaire au Commerce extérieur est très difficile."
A Bruxelles, Nicolas Sarkozy a réitéré son opposition à un accord de l'OMC trop déséquilibré.
"Il serait totalement invraisemblable qu'on continue à vouloir négocier un accord où n'avons obtenu rien sur les services, rien sur l'industrie (...) et qui conduirait à baisser de 20% la production agricole dans un monde où il y a 800 millions de personnes qui meurent de faim", a-t-il estimé.
"Il y a un enfant toutes les 30 secondes qui meurt parce qu'il a faim et on irait négocier dans le cadre de l'OMC une réduction de la production européenne de 20% ? Il y a une personne qui est de cet avis, c'est M. Mandelson. Ce n'est pas la position de la France. Sur ces bases-là, pour nous c'est non", a-t-il ajouté.
"Si on veut accroître la crise irlandaise, il n'y a qu'à en remettre une couche là-dessus et continuer sur un accord complètement déséquilibré à l'OMC. C'est vraiment contre-productif", a-t-il insisté.
Peter Mandelson a, là aussi, réagi avec flegme.
"La France a une position nationale particulière dont je dois tenir compte mais qui ne doit pas dicter ma conduite", a-t-il déclaré en disant qu'il voulait un accord équilibré.
Michel Barnier a fait écho vendredi à Sarkozy, estimant que les conditions n'était pas réunies pour un accord équilibré dans le cadre des négociations de Doha, qui se déroulent à Genève.
"Nous sommes allés à l'extrême limite des avancées en prévision du cycle de Doha. Ça suffit. On ne va pas aller plus loin si les autres ne le font pas", a souligné le ministre français de l'Agriculture lors d'une conférence de presse à Paris.
"Chacun doit faire des efforts en même temps, et ce n'est pas encore le cas", a-t-il ajouté.
L'Organisation mondiale du Commerce (OMC) s'efforce sans succès de faire aboutir le cycle de Doha, lancé en 2001 dans la capitale du Qatar et dont l'objectif est de libéraliser davantage les échanges commerciaux mondiaux.
Les négociations opposent les pays en développement qui dénoncent les subventions agricoles des pays riches aux pays industrialisés qui réclament une baisse des barrières douanières pour leurs exportations de produits industriels et de services. (Reuters)